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THEOLOGIE YVES MARIE-JOSEPH CONGAR

 
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YVES MARIE-JOSEPH CONGAR
théologien
 
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BIOGRAPHIE
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Un homme illustre parfaitement le réveil catholique du milieu du XXe siècle : YVES CONGAR. Dès les années 30, ce «Celte des Ardennes», né à Sedan en 1904, apparaît comme l'un des chefs de file de l'école du Saulchoir. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'épreuve de la captivité approfondit son expérience humaine. S'il est soupçonné par Rome de «théologie nouvelle», il n'en continue pas moins une œuvre monumentale, à la jonction d'un travail acharné et d'une foi inébranlable. VATICAN II le réhabilite pleinement. Nul plus que lui ne fut le théologien du Concile, participant à toutes les Commissions possibles et inspirant les grands textes sur l'Église, l’œcuménisme et la Mission.
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Pour évoquer la carrière du PÈRE CONGAR, nous avons choisi d'épingler quelques-unes des formules où il lève le voile sur sa personnalité la plus profonde et sur ses intérêts majeurs. Ces flashes nous permettront de reconstituer progressivement l'envergure d'une œuvre dont les multiples avenues convergent au lieu dit Église.
J'ai aimé la vérité comme on aime d'amour une personne

YVES CONGAR signerait volontiers ce mot d'auteur car il désigne le cœur même de sa vocation : une vie pour la vérité, une consécration au service de l'intelligence du sens. Nous tenons ici la clé d'interprétation décisive d'une vie qui est surtout un long combat pour la Lumière.
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Cette recherche inconditionnée et confiante de la vérité se fait dans la foi. Des confrères dominicains ont pu dire du PÈRE CONGAR au hasard d'une conversation : 
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«Il est chrétien jusqu'au tréfonds, jusqu'aux moelles... On peut imaginer de l'être autrement, non davantage»
Soucieux des grands équilibres de la foi chrétienne, il s'est toujours plu à articuler une anthropologie pour DIEU et une théologie pour l'homme, le salut révélé et la libération cherchée, le «donné» et le «construit».
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Dans cet itinéraire persévérant, SAINT THOMAS a été un maître à penser et un guide incomparable. Comme CONGAR l'a exprimé : 
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«SAINT THOMAS, c'est le réalisme, c'est l'ouverture, c'est la patiente attention à saisir et à accueillir l'intention de vérité que recèlent même les mises en question que l'on doit critiquer»
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Le disciple saura distinguer soigneusement les niveaux de la réalité et traiter chaque question à son plan et à sa place.
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«Moi, j'habite l'Église»
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Si le mot n'était pas trop rébarbatif, nous définirions le PÈRE CONGAR comme un «ecclésiologue». Sa grande passion est l'Église, la théologie de l'Église. Une passion qui s'est révélée dès sa jeunesse et qu'il a cultivée avec enthousiasme.
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Comment définir cette «sainte Église» ? Elle sera avant tout «le nous des chrétiens», un peuple de DIEU et non une hiérarchologie ou une papolâtrie. Quand on a fréquenté les sources chrétiennes et parcouru toute l'histoire, le modèle romain de l'Église, valorisant l'aspect juridique de société et d'organisation, se trouve grandement relativisé. Rien de plus urgent que de retrouver les catégories traditionnelles de communion et de service, de sacrement et de peuple. Nous remettons alors l'Église sur sa base baptismale, avec une bonne théologie du laïcat, et sur sa base locale, avec une bonne théologie de la catholicité et de la conciliarité. Mais le Peuple de DIEU vivra sans cesse dans la tension entre le vertical de son appel par DIEU et l'horizontal de son existence dans le monde. L'Église est reçue d'en haut tout en se faisant d'en bas.
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Penseur de VATICAN II, YVES CONGAR a tout de suite senti le danger d'en rester aux textes mêmes du Concile. «Le danger est qu'on ne cherche plus, mais qu'on exploite simplement l'inépuisable magasin de Vatican II... Ce serait trahir l'aggiornamento que de le croire fixé une fois pour toutes dans les textes de VATICAN II».
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L'Église est un mouvement sans cesse à penser, une institution sans cesse à réformer.
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Je suis un homme enraciné. Je déteste la rupture d'avec ce qui nous fonde.
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Pour le PÈRE CONGAR, la récupération de l'authentique Tradition est la condition de l'audace ecclésiale. Selon des formules qui n'ont rien de paradoxal, on pourrait dire que le renouveau dépend du ressourcement et que la fidélité appelle le prophétisme. Plus on connaît les méandres de l'histoire, plus on est libre par rapport aux nouveaux absolus. Tout s'inscrit dans une histoire, même JÉSUS CHRIST, même SAINT THOMAS D'AQUIN. Dès lors, la théologie «mérite le détour» par l'histoire.
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Mais ne perdons pas de vue que cette histoire est histoire sainte, histoire du Salut. Il y a une dynamique qui relie l'origine au terme et c'est un Dessein de DIEU, une Économie révélante. L'histoire de l'Église est un temps sacramentel où le DIEU vivant se dit pour l'homme et où la vie entière trouve son sens dans le CHRIST.
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L’œcuménisme suppose un mouvement de conversion et de réforme coextensif à la vie de toutes les Églises.
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Un certain sens de l'Église et de la Tradition aboutit logiquement à la découverte du scandale de la division chrétienne. La vocation œcuménique d'YVES CONGAR s'est dessinée très tôt et elle a marqué toute son œuvre, de Chrétiens désunis en 1937 à Chrétiens en dialogue en 1964. Innombrables sont les conférences données aux quatre coins du monde chrétien, pour un patient travail de conscientisation.
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Fidèle à lui-même, le père CONGAR porte ses efforts sur le terrain de l’œcuménisme doctrinal. II mène une réflexion proprement théologique sur l'existence des Autres, non seulement en tant qu'individus mais en tant qu'Églises ou communautés ecclésiales; il reconnaît leurs valeurs propres qui enrichissent le patrimoine chrétien. Par rapport à l'Église catholique, il cherche à la «faire mouvoir de quelques degrés sur son axe» pour que la rencontre soit possible. Féru d'histoire, il ne cesse de scruter la GENÈSE et le développement des scissions. Aujourd'hui encore, il porte une attention vigilante à l'apparition d'un «œcuménisme séculier», forme d’œcuménisme qui privilégie l'engagement commun dans le service du monde, ou à l'avancée d'une union des chrétiens sans union des Églises.
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Sa conviction est que «les convergences ne peuvent se faire qu'en hauteur et en profondeur». Conversion intellectuelle et conversion spirituelle doivent s'épauler pour assurer la «réintégration» du Corps écartelé du CHRIST. Ce travail et cette prière n'admettent aucun délai. Car selon les paroles de BESSARION au CONCILE DE FLORENCE :
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«Quelle excuse pourrions-nous apporter pour justifier que nous avons refusé de nous réunir ? Que pourrons-nous répondre à DIEU justifiant notre division fraternelle, alors que le CHRIST, pour nous réunir et en faire un seul troupeau, est descendu du ciel, a pris chair, a été crucifié ? Quelle sera notre excuse auprès des générations futures, mieux, auprès de nos contemporains ?».
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Tel est YVES CONGAR, homme de foi et théologien de l'Église. Son enracinement dans la grande Tradition lui a permis de tenir bon au milieu des tempêtes. Atteint d'une maladie inexorable, il fut élevé à la dignité du cardinalat par JEAN PAUL II en 1994. 
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(Source : NEUSCH, MARCEL ; CHENU, BRUNO. Au pays de la théologie. Centurion, 1994)
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LA «MESSE DE TOUJOURS»

Ce qu’elle est réellement ; Ce qu’elle n’est pas
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C’est à MONSEIGNEUR LEFÈVRE que CONGAR s’adresse dans cet extrait. Tout y est admirablement résumé dans la sobriété et l’autorité de l’authentique Tradition : celle reçue de l’Église.
(...) on n’a pas fait une autre Église, pas plus qu’une autre Eucharistie. Mais ici, je dois dire un mot de la Tradition.
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Vous dites : «La messe de la Tradition, la messe de toujours»
Vous entendez par là, telle quelle, celle du Missel publié par PIE V en 1570. Mais cette messe-là était celle qu’avait célébrée SAINT MARCEL, PAPE, votre patron, avant la paix constantinienne, et même celle que JÉSUS a célébrée la veille de sa passion : car toutes nos consécrations se font par la vertu des paroles qu’il a prononcées ce soir-là ! Mais il est évident qu’entre la Cène du Cénacle, la Rome de l’an 300, le Missel de 1570, la forme de la célébration a changé. 
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La Tradition est transmission et adaptation. 
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Pour être transmis, il faut être reçu ; pour être reçu, il faut être compris. Il y a dans la Tradition quelque chose d’absolu et quelque chose de relatif, d’historique. C’est une erreur que d’absolutiser l’historique, si vénérable soit-il. C’est ce que font les tenants entêtés du Missel de 1570, en mettant dans leur entêtement l’absolu de la fidélité qu’ils donnent, avec raison, à l’Eucharistie de toujours. Mais la messe n’a été la messe de toujours qu’en passant par certains changements de formes.
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Cela ne signifie pas qu’on puisse tout changer, ni tout le temps. Je concède pour ma part qu’en quelques matières on a procédé trop vite et surtout sans assez efficacement expliquer. Mais quand on participe, serait-ce à la télévision, à des célébrations vraiment communautaires, on mesure le bénéfice global de la réforme liturgique qui, du reste, reprend si souvent les dispositions d’une tradition plus ancienne, pleine de la sève des Pères. C’est pourquoi aussi, et pas pour une autre raison, certains protestants, qui ont fait eux-mêmes un ressourcement au-delà du XVIe siècle, ont pu déclarer s’y retrouver.
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«ÉGLISE ET PAPAUTÉ» EXTRAITS
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Que LE PAPE soit évêque de Rome, c’est à coup sûr son premier titre. C’est celui que reconnaissent les orthodoxes. Ils ajoutent qu’à ce titre là, il est le premier des évêques. La position catholique implique davantage. Le successeur de PIERRE est plus qu’un simple évêque, serait-il le premier, primus inter pares. Les prérogatives reconnues au pape par le CONCILE DE VATICAN I – juridiction suprême sur toute l’Église, infaillibilité de certains actes de son magistère se situent toujours dans le cadre du titre du «successeur de PIERRE», mais en dépassent la qualité de premier des évêques. LE PAPE est membre du collège des évêques, mais il est caput ; PIERRE était l’un des Douze, mais il a reçu, parmi les Douze, une qualification singulière.
Ce fait a été justifié, en particulier par INNOCENT III, par la constance avec laquelle le CHRIST a donné d’abord à PIERRE, pris seul, ce qu’il a donné ensuite à tous les Douze, PIERRE compris .
Tous les Apôtres sont fondement :
20. «édifiés que vous êtes sur le fondement des apôtres et des prophètes, dont JÉSUS-CHRIST lui-même est la pierre angulaire». ÉPHÉSIENS 2,20
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14. «La muraille de la ville a douze pierres fondamentales sur lesquelles sont douze noms, ceux des douze apôtres de l'Agneau». APOCALPSE 21,14
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PIERRE est Roc premier :
18. «Et moi, je te dis que tu es PIERRE, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle». MATTHIEU 16,18
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Tous les Apôtres sont pasteurs :
«28. Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel l'ESPRIT-SAINT vous a établis évêques, pour paître l'Église de DIEU, qu'il s'est acquise par son propre sang».ACTES 20,28
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«2. paissez le troupeau de DIEU qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré ; non dans un intérêt sordide, mais par dévouement» 1 PIERRE 5,2
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PIERRE est Pasteur Universel :
«15. Lorsqu'ils eurent mangé, JÉSUS dit à SIMON-PIERRE : «SIMON, fils de JEAN, m'aimes-tu plus que ceux-ci ?» Il lui répondit : «Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime». JÉSUS lui dit : «Pais mes agneaux».
16. Il lui dit une seconde fois :
«SIMON, fils de JEAN, m'aimes-tu ?» PIERRE lui répondit : «Oui, Seigneur, vous savez bien que je vous aime». JÉSUS lui dit : «Pais mes agneaux».
17. Il lui dit pour la troisième fois :
«M'aimes-tu ?» et il lui répondit : «Seigneur, vous connaissez toutes choses, vous savez bien que je vous aime». JÉSUS lui dit : «Pais mes brebis».
JEAN 21,15-17
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Tous les Apôtres ont les clés, le pouvoir de lier et délier :
18. «En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel». MATTHIEU 18,18
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«23. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus». JEAN 20,23
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PIERRE a reçu singulièrement :
19. «Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux». MATTHIEU 16,19
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Tous les Apôtres sont témoins du CHRIST ressuscité :
«8. Mais, lorsque le SAINT-ESPRIT descendra sur vous, vous recevrez de la force, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'à l'extrémité de la terre»ACTES 1,8
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En premier lieu PIERRE :
«5. et qu'il est apparu à CÉPHAS, puis aux Douze». 1 CORINTHIENS 15,5
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«34. qui disaient : «Réellement le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à SIMON» LUC 24,34
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JÉSUS a prié pour tous :
«9. C'est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que vous m'avez donnés ; parce qu'ils sont à vous [...]
20. Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, par leur prédication, croiront en moi» JEAN 17,9 et 20
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Il a prié pour PIERRE en vue d’une action au bénéfice des autres :
«32. Mais moi, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frère» LUC 22,32
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PIERRE nous apparaît ainsi comme incarnant deux valeurs . Il est l’un des Douze avec les autres, il est et il a ce que sont et ont les autres. Mais il reçoit personnellement ces dons d’une façon qui le distingue ou le singularise : il sera roc, pas seulement fondement, il aura une charge pastorale universelle, il confirmera la foi, et ne sera pas seulement croyant et témoin. Les ÉVANGILES et les ACTES nous le montrent de plus prenant la parole pour tous, répondant pour tous, et également prenant des initiatives qui engagent l’Église. Ces deux aspects, valeurs ou dimension se retrouveront chez « le successeur de PIERRE». C’est une certaine structure de l’Apostolicité de l’Église. Elle s’est dégagée et précisée non seulement dans l’histoire, mais par l’histoire. (…)
PIERRE est nommé 114 fois dans les ÉVANGILES et 57 fois dans les ACTES ; SAINT JEAN, qui est le plus cité après lui, l’est 38 fois et 6 fois.
Souvent, PIERRE y est pris pour tous les Apôtres et pour toute l’Église . Voir par exemple :
24. «Lorsqu'ils furent arrivés à Capharnaüm, ceux qui recueillaient les didrachmes s'approchèrent de PIERRE et dirent : «Votre Maître ne paie-t-il pas les didrachmes ?»
25. Il dit : «Si». Et quand il entra dans la maison, JÉSUS le prévint disant : «Que t'en semble, SIMON ? De qui les rois de la terre perçoivent-ils taxes ou impôt ? De leurs fils ou des étrangers ?»
26. Comme il disait : «Des étrangers», JÉSUS lui dit : «Les fils en sont donc exempts.
27. Mais pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l'hameçon, tire le premier poisson qui montera ; puis, lui ouvrant la bouche, tu y trouveras un statère ; prends-le et donne-le-leur pour moi et pour toi».
MATTHIEU 17,24-27
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«26. Après le chant de l'hymne, ils s'en allèrent au mont des Oliviers.
27. Et JÉSUS leur dit : «Je vous serai à tous une occasion de chute, parce qu'il est écrit : Je frapperai le pasteur, et les brebis seront dispersées.
28. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée».
29. PIERRE lui dit : «Quand même vous seriez pour tous une occasion de chute, vous ne le serez jamais pour moi».
30. JÉSUS lui dit : «Je te le dis, en vérité, toi aujourd'hui, cette nuit-ci, avant que le coq ait chanté deux fois, trois fois tu me renieras».
31. Mais lui n'en disait que plus : «Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai pas». Et tous aussi en disaient autant
[...]
34. Et il leur dit : «Mon âme est triste jusqu'à la mort ; restez ici et veillez[...]
37. Et il vient et il les trouve endormis, et il dit à PIERRE : «Simon, tu dors ! Tu n'as pas eu la force de veiller une heure !» MARC 14,26-31.34.37
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«5. SIMON répondit : «Maître, toute la nuit nous avons peiné sans rien prendre ; mais, sur votre parole, je jetterai les filets».
6. Et l'ayant fait, ils prirent une grande quantité de poissons ; et leurs filets se rompaient.
7. Et ils firent signe aux compagnons, qui étaient dans l'autre barque, de venir à leur aide. Ils vinrent, et on remplit les deux barques, au point qu'elles enfonçaient.
8. Ce que voyant, SIMON PIERRE tomba aux genoux de JÉSUS en disant :
«Eloignez-vous de moi, parce que je suis un pécheur, Seigneur !»
9. Car la stupeur l'avait envahi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche des poissons qu'ils avaient faite ;
10. et de même JACQUES et JEAN, fils de ZÉBÉDÉE, qui étaient associés à SIMON. Et JÉSUS dit à SIMON :
«Ne crains point ; désormais ce sont des hommes que tu prendras».
11. Ils ramenèrent les barques à terre et, laissant tout, ils le suivirent
»
LUC 5,4-11.
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PIERRE exprime souvent les questions que posent les disciples :
21. «Alors PIERRE s'approchant lui dit : «Seigneur, si mon frère pèche contre moi, combien de fois lui pardonnerai-je ? Jusqu'à sept fois ?» MATTHIEU 18,21
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«41. PIERRE (lui) dit : «Seigneur, est-ce pour nous que vous dites cette parabole, ou aussi pour tous ?» LUC 12,41
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«28. PIERRE se prit à lui dire : «Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre» MARC 10,28
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ou bien un évangéliste met à son compte la question posée par eux :
«17. Lorsqu'il fut entré dans une maison, loin de la foule, ses disciples l'interrogèrent sur la parabole» MARC 7,17
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et :
15. «PIERRE, prenant la parole, lui dit : «Expliquez-nous [cette] parabole». MATTHIEU 15,15
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20. «A cette vue, les disciples furent étonnés et dirent : «Comment le figuier s'est-il desséché sur le champ ?» MATTHIEU 21,20
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et
«21. Et PIERRE, se ressouvenant, lui dit : «Rabbi, vois ! Le figuier que vous avez maudit est desséché» MARC 11,21
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Les gens du dehors prennent PIERRE comme représentant du groupe :
24. «Lorsqu'ils furent arrivés à Capharnaüm, ceux qui recueillaient les didrachmes s'approchèrent de PIERRE et dirent : «Votre Maître ne paie-t-il pas les didrachmes ?» : MATTHIEU 17,24
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les autres ne sont-ils pas appelés parfois «ceux qui avec PIERRE» :
«36. SIMON et ceux qui étaient avec lui se mirent à sa recherche» MARC 1,36
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«45. Et JÉSUS dit : «Qui m'a touché ?» Tous s'en défendant, PIERRE dit : «Maître, la foule vous entoure et vous presse !» LUC 8,45
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«32. PIERRE et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, s'étant réveillés, ils virent sa gloire et les deux hommes qui se tenaient avec lui» 9,32
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«14. Or PIERRE, se présentant avec les Onze, éleva la voix et leur déclara : «Juifs, et (vous) tous qui séjournez à Jérusalem, sachez bien ceci, et prêtez l'oreille à mes paroles». comp. ACTES 2,14
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«21. Ce qu'ayant entendu, ils entrèrent de grand matin dans le temple, et ils (y) enseignaient». 5,21
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et finale courte de MARC ?
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D’autre part, bien que compris dans le groupe des Douze, PIERRE est souvent nommé à part :
«7. Mais allez dire à ses disciples et à PIERRE qu'il vous précède en Galilée ; c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit» MARC 16,7
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«14. Or PIERRE, se présentant avec les Onze, éleva la voix et leur déclara : «Juifs, et (vous) tous qui séjournez à Jérusalem, sachez bien ceci, et prêtez l'oreille à mes paroles.
15. Ces hommes en effet ne sont point ivres, comme vous le supposez, car c'est la troisième heure du jour.
16. Mais c'est ce qui a été dit par le prophète JOËL :
17. Il arrivera dans les derniers jours, dit DIEU, que je répandrai de mon ESPRIT sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes.
18. Oui, en ces jours-là, je répandrai de mon ESPRIT sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront.
19. Et je ferai paraître des prodiges en haut dans le ciel, et des signes en bas sur la terre : du sang, du feu, de la fumée en éruption ;
20. le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant que vienne le jour du Seigneur, le (jour) grand et éclatant.
21. Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. 22. Israélites, écoutez ces paroles : JÉSUS de Nazareth, homme que DIEU a accrédité auprès de vous par les miracles, les prodiges et les signes que DIEU a faits par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes ;
23. lui, livré selon le dessein arrêté et la prescience de DIEU, que vous avez fait mourir en le crucifiant par la main des impies,
24. DIEU l'a ressuscité, déliant les liens de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'elle le tînt en son pouvoir.
25. DAVID, en effet, dit à son sujet : Je voyais, continuellement le Seigneur devant moi, parce qu'il est à ma droite, afin que je ne sois point ébranlé.
26. C'est pour cela que mon cœur s'est réjoui, et que ma langue a été dans l'allégresse, et qu'aussi même ma chair reposera dans l'espérance :
27. parce que vous n'abandonnerez pas mon âme dans le séjour des morts, et vous ne permettrez pas que votre Saint voie la décomposition.
28. Vous m'avez fait connaître les chemins de la vie ; vous me remplirez de joie par (la vue de) votre face.
29. Mes frères, il est permis de vous dire avec assurance du patriarche
DAVID, qu'il est mort, qu'il a été enterré et que son tombeau est encore aujourd'hui parmi nous.
30. Comme donc il était prophète et savait que DIEU lui avait juré par serment de faire asseoir sur son trône un fils de son sang,
31. voyant d'avance, il a parlé de la résurrection du CHRIST, (disant) et qu'il n'a pas été abandonné dans le séjour des morts, et que sa chair n'a pas vu la décomposition.
32. C'est ce JÉSUS que DIEU a ressuscité : nous en sommes tous témoins.
33. Ayant donc été élevé par la droite de DIEU et ayant reçu du PÈRE
l'ESPRIT-SAINT promis, il a répandu ce que vous voyez et entendez.
34. Car, DAVID n'est pas monté aux cieux, mais il dit lui-même : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite,
35. jusqu'à ce que j'aie fait de vos ennemis un escabeau pour vos pieds.
36. Que toute la maison d'Israël sache donc avec certitude que DIEU l'a fait et Seigneur et CHRIST, ce JÉSUS que vous
avez crucifié». 37. Or, en entendant (cela), ils eurent le cœur transpercé, et ils dirent à PIERRE et aux autres apôtres : «Frères, que ferons-nous ?»ACTES 2,14-37
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29. «PIERRE et les apôtres répondirent : «Il faut obéir à DIEU plutôt qu'aux hommes». 5,29
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«5. N'avons-nous pas le droit de mener avec nous une sœur, comme font les autres Apôtres, et les frères du Seigneur, et CÉPHAS ?» 1 CORINTHIENS 9,5
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et nous avons vu qu’il reçoit en particulier et dans toute leur ampleur des titres qui seront aussi donnés aux autres.
Tout cela signifie que PIERRE a, dans le collège apostolique, une fonction de représentation et d’initiative.
Il préside, il se lève, il parle :
«15. Mais, quand je commençai à parler, l'ESPRIT-SAINT descendit sur eux, tout comme sur nous au commencement».ACTES 11,15
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«14. Or PIERRE, se présentant avec les Onze, éleva la voix et leur déclara : «Juifs, et (vous) tous qui séjournez à Jérusalem, sachez bien ceci, et prêtez l'oreille à mes paroles.
7. A la suite d'une longue discussion, PIERRE se leva et leur dit : «Frères, vous savez que DIEU, il y a longtemps déjà, a fait son choix parmi vous, afin que, par ma bouche, les Gentils entendissent la parole de l’Évangile et devinssent croyants»2,14/15,7
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c’est sa parole qui porte le témoignage :
«41. Eux donc, ayant accueilli sa parole, furent baptisés ; et ce jour-là s'adjoignirent environ trois mille personnes».2,41
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ANANIE et SAPHIRE déposent leur avoir «aux pieds des Apôtres» :
«2. de connivence avec sa femme, et en apporta une partie qu'il déposa aux pieds des apôtres». 5,2
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mais c’est PIERRE qui les frappe ;
on mentionne les miracles des Apôtres, mais en cela même c’est vers PIERRE qu’on se tourne :
«15. à tel point qu'on apportait les malades dans les rues et qu'on les plaçait sur des lits et des grabats, afin que, lorsque PIERRE passerait, son ombre au moins couvrît quelqu'un d'eux». 5,15.
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C’est lui que le SAINT ESPRIT pousse à ouvrir, le premier, la porte de l’Église aux païens et, quand la chose est discutée synodalement, après un long débat :
«7. A la suite d'une longue discussion, PIERRE se leva et leur dit : «Frères, vous savez que DIEU, il y a longtemps déjà, a fait son choix parmi vous, afin que, par ma bouche, les Gentils entendissent la parole de l'Évangile et devinssent croyants».15/7
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PIERRE parle et «l’assemblée fait silence» :
«12. Beaucoup de miracles et de prodiges se faisaient parmi le peuple par les mains des apôtres. Et ils étaient tousensemble sous le portique de SALOMON,
13. et aucun des autres n'osait se joindre à eux ; mais le peuple les louait hautement
»
V .12.
(…)
Nous avons parlé de «charisme de PIERRE». Il faudrait y joindre celui de PAUL aux origines de l’Église romaine et de sa primauté. Dans ses actes les plus solennels, le pape se réclame de «l’autorité des Apôtres PIERRE et PAUL» : ainsi pour la convocation d’un Concile, pour les canonisations, pour une définition dogmatique. PAUL, c’est le soucis de toutes les églises, c’est la Parole, l’enseignement, c’est la poursuite de la communion des Églises de la gentilité avec celle de Jérusalem par le moyen de la collecte. En commentant ce patronage de PAUL à côté de celui de PIERRE, les théologiens ont attribué à PAUL la doctrina, à PIERRE l’autorité de gouvernement. Il faut honorer ce dessein de la Providence qui a voulu ajouter au Roc ce PAUL que le père E.B.ALLO a pu appeler «le premier après l’Unique»
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LA SAINTE TRINITÉ ET LA LITURGIE

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DIEU est, dans l’unité d’une même «substance», PÈRE, FILS et ESPRIT. Il n’y a pas ici à faire d’objection en se scandalisant que un égale trois, que trois soient un. Aucun mathématicien ne s’en offusquerait, car il sait qu’on ne peut augmenter la quantité de l’infini. Parler de trois «Personnes» introduit une distinction, mais n’introduit pas le nombre en DIEU.
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Les Pères de l’Église l’ont expliqué.
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Cette existence de Trois adorables en Un unique adorable est pour les chrétiens une donnée fondamentale de la foi, celle de leur baptême «au nom du PÈRE et du FILS et du SAINT ESPRIT». Cette triple etunique confession accompagne une triple immersion ou infusion (aspersion), fait un seul baptême, comme les Trois font un seul DIEU. La liturgie ne célèbre pas les divines Personnes séparément. Il n’y a pas de fête du PÈRE ; Noël n’est pas celle du FILS, mais la célébration du fait de sa naissance en notre monde ; PENTECÔTE n’est pas une fête du SAINT ESPRIT, mais une célébration du fait de sa mission sensible aux premiers disciples.
.../...
Il existe dans SAINT PAUL, nombre de formules à trois membres - on en a compté 47 -, dont un certain nombre sont vraiment trinitaires. Une des plus parlantes est celle par laquelle nous ouvrons si souvent nos célébrations eucharistiques, ce qui crée l’espace saint dans lequel elles se déploient :
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13. «La grâce de JÉSUS-CHRIST, l’Amour de DIEU (le Père), la communion du SAINT ESPRIT soient avec vous tous» 2 CORINTIENS 13,13
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LA SAINTETÉ DANS LES ECRITURES JUIVES ET CHRÉTIENNES

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LES ÉCRITURES JUIVES

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Les aspects dégagés par l’histoire des religions touchant le sacré (mana, tabou, numinosum selon R. OTTO) se rencontrent dans la BIBLE : crainte du redoutable, interdiction d’approcher, vertu contagieuse des objets du culte, interdits et règles de pureté. Ce ne sont pas là les valeurs caractéristiques de l’idée biblique de sainteté, qui est marquée par la personnalité de DIEU et son unicité jalouse, exclusive d’autres dieux. 
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En hébreu, sainteté se dit qôdes et saint, qados, d’une racine qui signifie «séparé» ou, d’après d’autres exégètes, «pur, brillant», et dont la SEPTANTE a rendu la valeur sémantique par hagios de préférence à hiéros. 
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Cette valeur est déterminée par l’application de l’expression, d’abord, non à des choses, mais à DIEU. 
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Dans «saint» se résume ce que l’israélite peut dire pour exprimer la sublimité de DIEU, son ordre propre d’existence au-dessus de tout le créé
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«3. Et ils criaient l'un à l'autre et disaient : «Saint, saint, saint est YAHWEH des armées ! toute la terre est pleine de sa gloire».
4. Les fondements des portes étaient ébranlés par la voix de celui qui criait, et la maison se remplit de fumée.
5. Alors je dis :
«Malheur à moi ! je suis perdu ! car je suis un homme aux lèvres souillées, et j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres souillées, et mes yeux ont vu le Roi, YAHWEH des armées !»
6. Mais l'un des Séraphins vola vers moi, tenant à la main un charbon ardent, qu'il avait pris sur l'autel avec des pincettes
»
ISAÏE, VI, 3-6
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«1. YAHWEH est roi : les peuples tremblent ; il est assis sur les Chérubins ; la terre chancelle.
2. YAHWEH est grand dans Sion, il est élevé au dessus de tous les peuples.
3. Qu'on célèbre ton nom grand et redoutable ! –
Il est saint !
4. Qu'on célèbre la puissance du Roi qui aime la justice ! tu affermis la droiture, tu exerces en JACOB la justice et l'équité.
5. Exaltez YAHWEH, notre DIEU, et prosternez-vous devant l'escabeau de ses pieds. –
Il est saint !
6. MOÏSE et AARON étaient parmi ses prêtres, et SAMUEL parmi ceux qui invoquaient son nom. Ils invoquaient YAHWEH, et il les exauçait,
7. il leur parlait dans la colonne de nuée. Ils observaient ses commandements, Et la loi qu'il leur avait donnée.
8. YAHWEH , notre DIEU, tu les exauças, tu fus pour eux un DIEU clément, et tu les punis de leurs fautes.
9. Exaltez YAHWEH notre DIEU, et prosternez-vous devant sa montagne sainte, car
il est saint, YAHWEH notre DIEU !» PSAUME XCIX
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DIEU est saint parce qu’il est DIEU. Ainsi, tout ce qu’Il fait est saint, tout ce qu’Il touche, tout ce qui a un rapport exprès avec Lui. Et d’abord le peuple d’Israël, en vertu de son élection comme peuple de DIEU, et de l’alliance (par exemple :
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«5. Maintenant, si vous écoutez ma voix et si vous gardez mon alliance, vous serez mon peuple particulier parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi ;
6 mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres et
une nation sainte. Telles sont les paroles que tu diras aux enfants d'Israël» EXODE, XIX, 5-6
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«6. Car tu es un peuple saint à YAHWEH, ton DIEU. YAHWEH, ton DIEU, t'a choisi pour être son peuple particulier, parmi tous les peuples qui sont sur la face de la terre» DEUTÉRONOME, VII, 6 et suiv
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«19. lui s'engageant de son côté à te donner la supériorité sur toutes les nations qu'il a faites, en gloire, en renom et en splendeur, en sorte que tu sois un peuple saint à YAHWEH, ton DIEU, comme il l'a dit» XXVI, 19
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plus spécialement les lévites et les prêtres (cf. LÉVITIQUE, XVII-XXIII, la «loi de sainteté») : mais aussi les lieux où DIEU habite plus particulièrement et se manifeste (ciel, buisson ardent, tente du désert, Terre promise, Jérusalem, le Temple) et les temps consacrés à DIEU (sabbat, fêtes).
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Cette idée de sainteté était à dominante cultuelle. Le «Soyez saints parce que je suis saint» du LÉVITIQUE exigeait une pureté identifiée avec les règles du culte que DIEU agrée : «se sanctifier», c’était se mettre dans les conditions qui permettent d’approcher DIEU. 
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Mais les prophètes (IXe-XVe s. av. J.-C.) ont proclamé que DIEU révèle sa sainteté par sa justice :
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«16. Et YAHWEH des armées apparaîtra grand dans le jugement, et le DIEU saint apparaîtra saint dans la justice
24. C'est pourquoi, comme la langue du feu dévore le chaume, et comme l'herbe sèche s'abîme dans la flamme, leur racine sera semblable à la pourriture, et leur fleur sera emportée comme la poussière ; car ils ont rejeté la loi de YAHWEH des armées, et méprisé la parole du Saint d'Israël»ISAÏE, V, 16 et 24
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que la sainteté de l’alliance veut une droiture, une pureté morale
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°  AMOS, V  et :
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«10. Écoutez la parole de YAHWEH, juges de Sodome ; prêtez l'oreille à la loi de notre DIEU, peuple de Gomorrhe.
11. Que m'importe la multitude de vos sacrifices ? dit d'YAHWEH. Je suis rassasié des holocaustes de béliers, et de la graisse des veaux ; je ne prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs.
12. Quand vous venez vous présenter devant ma face, qui vous a demandé de fouler mes parvis ?
13. Ne continuez pas de m'apporter de vaines oblations ; l'encens m'est en abomination ; quant aux nouvelles lunes, aux sabbats et aux convocations, je ne puis voir ensemble le crime et l'assemblée solennelle.
14. Mon âme hait vos nouvelles lunes et vos fêtes ; elles me sont à charge, je suis las de les supporter.
15. Quand vous étendez vos mains, je voile mes yeux devant vous; quand vous multipliez les prières, je n'écoute pas: Vos mains sont pleines de sang.
16. Lavez-vous, purifiez-vous ; Otez la malice de vos actions de devant mes yeux ; cessez de mal faire,
17. apprenez à bien faire ; recherchez la justice, redressez l'oppresseur, faites droit à l'orphelin, défendez la veuve
»
ISAÏE, I, 10-17
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Cependant, sous la restauration du retour de l’exil qui inaugure la période du «judaïsme», cette justice, ou droiture, a été étroitement identifiée à l’observance de la TORA, Loi ou plutôt Révélation divine, contenue dans les cinq livres de MOÏSE. 
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Selon le TALMUD, l’observance de la Loi fonde la sainteté du peuple. Il faut donc la connaître : le peuple saint est celui qui l’étudie.
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Le culte de la Loi a eu ses héros, les MACCABÉES, et ses martyrs, vénérés comme tels : ÉLÉAZAR, les sept frères II MACCHABÉES, VI ET VII, rabbi AKIBA (mort en 135).
L’opposition à l’hellénisme a aussi suscité le parti des HASSIDIM, ou «pieux», dont l’esprit, à travers des sortes de «réveils», est demeuré vivant (ainsi dans l’Ukraine et la Pologne du XVIIIe s.
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Les rabbins et leurs disciples voués plus totalement à l’étude et à l’observance de la TORA sont souvent appelés saints. On attribue à certains des miracles, surtout à BAAL SHEM TOB (mort en 1760) : les récits en ont été colligés par FIEBIG (1911). Le zaddik, juste, est une sorte de TORA vivante, une présence vivante de sainteté.
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LES ÉCRITURES CHRÉTIENNES

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Les Écritures chrétiennes gardent les affirmations juives : DIEU (le PÈRE) est saint. La sainteté de son agir et celle de son être sont identiques.
Est saint ce qui est en rapport avec lui, en dépendance de lui. On garde même des expressions juives traditionnelles : les anges sont appelés les «saints», les chrétiens sont conviés à participer à «l’héritage des saints» ; le Temple, Jérusalem, les Écritures, la Loi sont saints. 
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Deux faits cependant introduisent du nouveau : la mission ou venue du Fils de DIEU et celle du SAINT-ESPRIT. 
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JÉSUS-CHRIST est le «saint de DIEU» parce qu’il vient de DIEU et qu’il a reçu la double onction de l’ESPRIT, par naissance ou nature :
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«35. L'ange lui répondit : «L'ESPRIT-SAINT viendra sur vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé FILS DE DIEU».LUC, I, 35
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pour son ministère de salut :
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«22. et L'ESPRIT-SAINT descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe, et du ciel il y eut une voix : «Tu es mon Fils bien-aimé : en toi j'ai mes complaisance»LUC, III, 22
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«38. comment DIEU a oint de l'ESPRIT-SAINT et de puissance JÉSUS de Nazareth, qui alla de lieu en lieu, faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous l'empire du diable, car DIEU était avec lui». ACTES, X, 38
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Aussi est-il, pour ceux qui adhèrent à lui par la foi et lui sont incorporés par le baptême, principe de sanctification. Il l’est par l’ESPRIT qu’il communique et qui est saint parce qu’il est l’ESPRIT de DIEU : c’est lui qui opère dans les fidèles la sainteté et les fruits de vie «spirituelle».
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Aussi, les chrétiens sont-ils appelés «saints». 
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La valeur de sainteté attachée aux lieux saints de l’Ancien Testament ainsi qu’au peuple consacré au service de DIEU est transférée aux fidèles : non sous une forme de mise à part codifiée par des interdits et des prescriptions légales, mais comme vie selon l’ESPRIT, dans la vie quotidienne. 
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Cette sainteté de par DIEU est une valeur religieuse irréductible à la conduite éthique, mais elle implique celle-ci. Il y a un combat de l’ESPRIT contre la chair, terme qui ne signifie pas le corps, bien que celui-ci, avec les pulsions sexuelles, soit concerné par ce combat. Sanctifié, le chrétien doit «se sanctifier» et croître dans la sainteté qui lui est donnée.
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LE MOT DÉSIGNANT L’ESPRIT-SAINT DANS L’ANCIEN TESTAMENT

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L’hébreu ruah, presque toujours traduit par le grec pneuma, signifie souffle, haleine, air, vent, âme. Tout particulièrement s’il s’agit de l’Ancien Testament mais même parfois pour le Nouveau, la traduction par le mot «souffle» donne aux faits rapportés et aux textes bibliques un réalisme, un relief que notre mot «esprit» risque de ne pas bien suggérer. C’est la traduction qu’adoptent D. LYS, M.-A. CHEVALLIER (cf. n. 1) et, dans des livres sans prétention scientifique, mais substantiels, les Pères JEAN ISAAC, A.-M. HENRY, TH. MAERTENS, G.-A. MALONEY, etc.
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Les 378 emplois de ruah dans l’Ancien Testament se distribuent en trois groupes d’importance quantitative sensiblement égale.
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°  C’est le vent, le souffle d’air ;
°  c’est la force vive chez l’homme, principe de vie (haleine), siège de la connaissance et des sentiments ;
°  c’est la force de vie de DIEU, par laquelle il agit et fait agir, tant au plan physique qu’au plan «spirituel».
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Ruah-souffle ne comporte pas d’opposition à «corps» ou «corporel».
Même dans le grec profane et dans son usage philosophique, pneuma exprime la substance vivante et génératrice diffuse dans les animaux, les plantes et toutes choses. C’est une corporéité subtile plutôt qu’une substance incorporelle. 
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Dans la BIBLE, la ruah-souffle n’est pas désincarnée, elle est plutôt l’animation d’un corps. Elle s’oppose à «chair», mais «chair» n’est pas identique à «corps», c’est la réalité purement terrestre de l’homme, caractérisée par la faiblesse et le périssable :
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3. «L'Égyptien est un homme et non un dieu, ses chevaux sont chair et non esprit» ISAÏE 31, 3
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pour détourner les juifs de chercher un appui de ce côté. Il s’agit de savoir d’où viennent la vraie force et la vie.
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La sanction du déluge est préparée par cette constatation de DIEU :
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3. «Mon souffle ne sera pas toujours dans l’homme, qui s’égare, puisqu’il n’est que chair» GENÈSE 6, 3
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Les hommes vivaient seulement de leur propre principe terrestre !
Si le monde de culture grecque pense en catégories de substance, le juif pense force, énergie, principe d’action.
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L’esprit-souffle est ce qui agit et fait agir et, s’il s’agit du Souffle de DIEU, anime et fait agir pour réaliser le Dessein de DIEU. C’est toujours une énergie de vie. 
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C’est ce que le CARDINAL DANIÉLOU exprimait ainsi (de façon un peu trop appuyée quant à son opposition du grec et de l’hébreu, mais frappante et pédagogiquement réussie) :
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«Quand nous parlons d’«esprit», quand nous disons «DIEU est ESPRIT», que voulons-nous dire ? Parlons-nous grec ou hébreu ? Si nous parlons grec, nous disons que DIEU est immatériel, etc. Si nous parlons hébreu, nous disons que DIEU est un ouragan, une tempête, une puissance irrésistible. D’où toutes les ambiguïtés, quand on parle de spiritualité. La spiritualité consiste-t-elle à devenir immatériel ou à être animé par le SAINT-ESPRIT ?»
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Évidemment le sens purement lexical du mot ne suffit pas à en préciser la signification réelle. 
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Comme JAMES BARR l’a montré dans sa critique du Wörterbuch de KITTEL-FRIEDRICH, c’est l’emploi dans tel contexte, référé à un sujet et à une visée donnés, qui détermine la valeur du mot.
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Ruah-pneuma peut être simplement le vent, ainsi dans :
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«8. Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix ; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va : ainsi en est-il de quiconque est né de l'ESPRIT» JEAN 3, 8
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«1. Comme le jour de la PENTECÔTE était arrivé, ils étaient tous ensemble au même (lieu).
2. Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis.
3. Et ils virent paraître des langues séparées, comme de feu ; et il s'en posa (une) sur chacun d'eux.
4. Et tous furent remplis d'ESPRIT-SAINT, et ils se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait de proférer[...]
6. Ce bruit s'étant produit, la foule s'assembla et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler en sa propre langue». ACTES 2, 1-4 et 6
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ou l’haleine de DIEU qui communique la vie :
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«8. Au souffle de tes narines, les eaux se sont amoncelées. Les flots se sont dressés comme un monceau ; les vagues se sont durcies au sein de la mer.
9. L'ennemi disait : «Je poursuivrai, j'atteindrai, je partagerai les dépouilles, ma vengeance sera assouvie, je tirerai l'épée, ma main les détruira».
10. Tu as soufflé de ton haleine, la mer les a couverts, ils se sont enfoncés, comme du plomb, dans les vastes eaux»EXODE 15, 8-10
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«6. Par la parole de YAHWEH les cieux ont été faits, et toute leur armée par le souffle de sa bouche» PSAUME 33, 6
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par suite l’haleine de l’homme, principe et signe de vie :
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«22. De tout ce qui existe sur la terre sèche, tout ce qui a souffle de vie dans les narines mourut» GENÈSE 7, 22
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«29. Tu caches ta face : ils sont dans l'épouvante ; tu leur retire le souffle : ils expirent, et retournent dans leur poussière.
30. Tu envoies ton souffle : ils sont créés, et tu renouvelles la face de la terre» PSAUME 104, 29-30
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fréquemment dans JOB : nous disons aussi «rendre le souffle», «expirer». 
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C’est aussi le souffle, l’animation qui fait accomplir une œuvre, surtout si c’est de quelque façon celle de DIEU : ainsi BEÇALÉEL pour le mobilier du sanctuaire :
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«3. Je l'ai rempli de l'ESPRIT DE DIEU, de sagesse, d'intelligence et de savoir pour toutes sortes d'ouvrages»EXODE 31, 3 sv
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C’est évidemment encore plus vrai s’il s’agit de conduire le peuple de DIEU, de mener ses guerres, de prophétiser : nous le verrons en détail.
Le souffle-esprit (l’ESPRIT) reçoit divers qualificatifs selon les effets dont il est le principe. 
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C’est ainsi que la BIBLE parle d’ESPRIT D’INTELLIGENCE :
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«3. Tu t'adresseras à tous les hommes habiles que j'ai remplis d'un ESPRIT DE SAGESSE, et ils feront les vêtements d'AARON, afin qu'il soit consacré pour qu'il exerce mon sacerdoce» EXODE 28, 3
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DE SAGESSE :
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«3. C'est YAHWEH, ton DIEU, qui passera devant toi ; c'est lui qui détruira de devant toi ces nations, et tu les posséderas. JOSUÉ sera celui qui passera devant toi, comme YAHWEH l'a dit
9. JOSUÉ, fils de NUN, était rempli de l'ESPRIT DE SAGESSE, car MOÏSE avait posé ses mains sur lui. Les enfants d'Israël lui obéirent et firent selon que YAHWEH l'avait ordonné à MOÏSE» DEUTÉRONOME 31, 3 ; 34, 9 ; 35, 31
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mais aussi DE JALOUSIE :
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«14. si le mari est saisi d’un ESPRIT DE JALOUSIE et qu’il soit jaloux de sa femme qui s’est souillée, ou bien s’il est saisi d’un ESPRIT DE JALOUSIE et qu’il soit jaloux de sa femme qui ne s’est pas souillée» NOMBRES 5, 14
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tous ces textes sont de la source P, voire d’ «un esprit mauvais venu de DIEU» :
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«14. L'ESPRIT DE YAHWEH se retira de SAÜL, et un mauvais esprit venu de YAHWEH fondit sur lui
10. Le lendemain, un mauvais esprit envoyé de DIEU fondit sur SAÜL, et il eut des transports au milieu de sa maison. DAVID jouait de la harpe, comme les autres jours, et SAÜL avait sa lance à la main» 1 SAMUEL 16, 14 ; 18, 10= source D
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«23. Et DIEU envoya un esprit mauvais entre ABIMÉLECH et les habitants de Sichem, et les habitants de Sichem devinrent infidèles à ABIMÉLECH» comp. JUGES 9, 23
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Mais le qualificatif qui nous intéresse le plus est celui d’esprit ou souffle de DIEU, qui exprime le sujet par la puissance duquel sont produits divers effets dans le monde, dans l’homme, dans ceux qui reçoivent des dons de chef, de prophète, d’homme religieux, etc. Parfois «l’ESPRIT DU SEIGNEUR (de DIEU)» désigne simplement DIEU lui-même, par exemple en :
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«13. Qui a dirigé l'ESPRIT DE YAHWEH, et quel a été son conseiller pour l'instruire ? Avec qui a-t-il tenu conseil, pour qu'il l'éclaire
10. Mais eux furent rebelles et attristèrent son ESPRIT SAINT ; alors il se changea pour eux en ennemi ; lui-même leur fit la guerre» ISAÏE 40, 13 ; 63, 10
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«mais eux se cabrèrent, ils accablèrent son ESPRIT SAINT».
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Nous recueillons là, comme dans le :
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«13. Ne me rejette pas loin de ta face, ne me retire pas ton ESPRIT SAINT» PSAUME 51, 13
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notre Miserere, cette expression, pour nous si importante d’ «ESPRIT SAINT». 
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Il est saint parce qu’il est de DIEU, parce que sa réalité appartient à la sphère d’existence de DIEU. Il n’y a pas à chercher d’autre raison de sa sainteté. DIEU est saint parce qu’il est DIEU. Mais, s’agissant de cet esprit (ESPRIT), l’Ancien Testament exprime assez peu la valeur de sanctification, du moins au sens d’un principe intérieur de vie parfaite : ce serait plutôt le fruit de l’observance de la TORA. L’ESPRIT-SOUFFLE est d’abord ce qui fait agir de façon à réaliser le Dessein de DIEU dans l’histoire.
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UN IMPACT ECCLÉSIOLOGIQUE DU «FILIOQUE» ?

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FILIOQUE : En 589, le III° concile de Tolède ajoute au texte du CREDO DE NICÉE la mention que le Père procède du Père «et du Fils » (ex Patre «filioque » procedit). Il s'agit alors de lutter contre l'hérésie arienne, qui tente de minimiser la place du Fils qu sein de la Trinité.
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UN IMPACT ECCLÉSIOLOGIQUE DU «FILIOQUE» ?
Source : «Je crois en l’Esprit Saint», Paris, Le Cerf, 2002, p. 785-790
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VLADIMIR LOSSKY voulait voir dans le «Filioque» la cause de toutes les oppositions entre l’Orthodoxie et le Catholicisme romain, des oppositions qui équivalaient, selon lui, à autant de déviations, de notre part. Au «Filioque» étaient particulièrement liées des conséquences en ecclésiologie.
LE PÈRE ANDRÉ DE HALLEUX en formule très exactement l’ensemble, en donnant les références par deux sigles aux textes de LOSSKY [1] :
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«Réduit à la fonction de lien entre les deux autres personnes et subordonné unilatéralement au FILS dans son existence même, au mépris de l’authentique périchorèse, l’ESPRIT perd, avec son indépendance hypostatique, la plénitude personnelle de son activité économique (E, p. 242-243). Désormais celle-ci sera conçue comme un simple moyen au service de l’économie du VERBE, tant sur le plan ecclésial que sur celui de la personne. Ici, la fin de la vie chrétienne devient l’imitatio CHRISTI et non plus la divinisation par le SAINT-ESPRIT (E, p. 166, 193). Là, le peuple de DIEU se trouve soumis au corps du CHRIST, le charisme à l’institution, la liberté intérieure à l’autorité imposée, le prophétisme au juridisme, la mystique à la scolastique, le laïcat au clergé, le sacerdoce universel à la hiérarchie ministérielle et, finalement, le collège épiscopal au primat du PAPE. Force de création et de renouvellement, l’ESPRIT a été confisqué par l’Église catholique, qui en a fait le gardien suprême de l’ordre établi par le CHRIST en faveur de son vicaire, tandis que l’Eglise orthodoxe préservait, de son côté, la subordination réciproque et la tension féconde entre l’économie de l’Incarnation et celle de la Pentecôte (E, p. 155-156, 163, 166, 185 ; C, p. 201-204)».
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Disciple et ami de LOSSKY, OLIVIER CLÉMENT reprend les mêmes thèmes [2]. En parlant avec V. LOSSKY, nous lui avions apporté une joie, voire un confirmatur, en lui faisant connaître ce texte de SAINT THOMAS D'AQUIN :
«Ceux qui soutiennent que le Vicaire du CHRIST, le pontife de l’Église romaine, n’a pas la primauté de l’Église universelle, commettent une erreur semblable à celle qui consiste à tenir que le SAINT-ESPRIT ne procède pas du FILS. En effet, le CHRIST, FILS de DIEU, consacre son Église et met sur elle sa marque comme par son caractère et son sceau, par l’ESPRIT SAINT (...) Et de même le Vicaire du CHRIST, comme un serviteur fidèle, garde l’Église soumise au CHRIST par l’exercice de sa primauté et de son administration (providentia) [3]»
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On pourrait citer d’autres témoignages plus récents de même sens [4].
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On peut critiquer chez nous une certaine insuffisance de pneumatologie. Nous l’avons fait [5]. Mais, d’une part, nous espérons que notre deuxième cahier guérit cette éventuelle insuffisance ; d’autre part, nous croyons conforme au Nouveau Testament de protéger avec la plus grande fidélité la référence de la pneumatologie à la christologie. C’est une condition de santé pour toute vie dans le SAINT-ESPRIT, tout Renouveau dans l’ESPRIT. C’est un point sur lequel nous nous rencontrons avec nos amis protestants. Non parce qu’ils sont aussi des Occidentaux, mais parce qu’ils suivent avec nous le témoignage biblique. Voici, par exemple, ce qu’écrit KARL BARTH :
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«Dans toutes ses parties le message néotestamentaire sous-entend de la manière la plus indiscutable que le SAINT-ESPRIT (et avec lui tout ce qui fait de l’Église et des chrétiens ce qu’ils sont) procède du CHRIST, et de nulle part ailleurs (...)
Nous touchons ici à la racine même du motif qui, dans le cadre de la doctrine du SAINT-ESPRIT, a incité l’Eglise d’Occident à admettre le Filioque dans le Symbole (cf. vol. I/1**, trad. frse, p. 167-176). Sa conviction que le SAINT-ESPRIT doit être reconnu comme l’ESPRIT DE JÉSUS-CHRIST était telle que cette Église a été contrainte d’affirmer et de préciser la chose en disant : Le SAINT-ESPRIT n’existe pas seulement pour nous mais de toute éternité ; il fait partie de l’être caché du DIEU trinitaire qui se manifeste à nous par la révélation ; il est l’ESPRIT du PÈRE et du FILS. Parce qu’il est le lien éternel qui unit le PÈRE et le FILS, le SAINT-ESPRIT crée également le lien entre le PÈRE et tous ceux que le FILS a appelés en ce monde à être ses frères. C’est dans le mystère éternel de l’être de DIEU qu’il faut chercher la raison pour laquelle personne ne peut venir au PÈRE si ce n’est par le FILS ; car l’ESPRIT par lequel le PÈRE attire les hommes à lui est de toute éternité également l’ESPRIT du FILS, et c’est par lui qu’il nous fait participer à la filialité divine en CHRIST. Si la Chrétienté occidentale a eu raison de reconnaître que le SAINT-ESPRIT attesté par la révélation n’est rien d’autre que l’ESPRIT du CHRIST, et si, ce faisant, elle a su vraiment proclamer le DIEU éternel tel qu’il lui a plu de nous rencontrer, nous devons sans hésiter nous solidariser avec elle dans le combat qu’elle a mené pour faire admettre le Filioque.
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Et nous pouvons comprendre dès lors comment la pensée chrétienne occidentale ait pu être dominée pendant tout le Moyen Age par cet objectivisme sacramentel et ecclésiastique dont les papes se sont faits les défenseurs intraitables et victorieux contre le spiritualisme franciscain notamment, lequel proclamait l’avènement d’un «troisième règne», celui de l’ESPRIT [6]...»
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BARTH développe une critique d’un spiritualisme qui, se réclamant de l’Esprit, aboutirait à un humanisme de l’homme exprimant seulement lui-même et ses sentiments. Nous avons rencontré et critiqué cela, ES I, p. 175-189.
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Bien sûr les Orthodoxes sauraient montrer que leur pneumatologie ne nuit pas à leur objectivisme sacramentel et ecclésiastique ; ils diraient comment ils justifient les titres d’ «ESPRIT DU CHRIST», «ESPRIT DU FILS». Leur théologie a sa cohérence et son équilibre propres. Ils ne sont pas plus que nous à l’abri de spiritualismes insuffisamment articulés au CHRIST, au VERBE-FILS [7]. Nous admettons qu’une construction du mystère triadique qui lie la procession de l’Esprit à la personne du VERBE-FILS favorise une orientation générale de pensée qui met davantage ce qui est inspiration personnelle en relation avec des formes définies, mais l’ensemble de conséquences dénoncé par LOSSKY nous paraît trop reconstruit pour être tout à fait exact.
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Le Filioque figure dans plusieurs Confessions de foi de la Réforme [8]. Les protestants peuvent tenir le Filioque sans tellement soumettre
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«le charisme à l’institution, la liberté intérieure à l’autorité imposée, le prophétisme au juridisme, la mystique à la scolastique, le laïcat au clergé, le sacerdoce universel à la hiérarchie ministérielle»
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... Une fois encore empruntons au PÈRE DE HALLEUX des citations que nous avions du reste relevées depuis longtemps :
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«II ne sera pas inutile de rappeler à ceux qu’impressionnent les déductions antifilioquistes de LOSSKY et de ses disciples, les paroles d’un théologien orthodoxe particulièrement allergique au juridisme et à l’infaillibilité romaine, le P. S. BOULGAKOV, Le Paraclet, Paris, 1946, p. 124 :
«Durant de longues années, dans la mesure de nos moyens, nous avons cherché les traces de cette influence [de la divergence dogmatique dans la vie et la doctrine des deux Églises] et nous nous sommes efforcés de comprendre de quoi il s’agissait, quelle était la signification vivante de cette divergence, où et par quoi elle se manifestait pratiquement. J’avoue n’avoir pas réussi à la découvrir ; bien plus, j’irai tout uniment jusqu’à la nier [9]
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Telle est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle le P. BOULGAKOV contestait que le Filioque constitue une véritable divergence dogmatique (p. 141) :
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«Les deux parties [...] ne peuvent pratiquement pas prouver de différence dans leur vénération du SAINT-ESPRIT, malgré leur désaccord sur sa procession. Il paraît fort étrange qu’une divergence dogmatique d’apparence aussi capitale n’ait aucune répercussion pratique, alors que, normalement, le dogme a toujours une importance pratique et qu’il détermine la vie religieuse. Dans le cas présent, même les représentations les plus extrêmes de l’esprit schismatique n’ont pas su, jusqu’ici, appliquer le pseudo-dogme à la vie ni indiquer ses conséquences pratiques. L’on peut dire que ni l’Église orientale ni l’occidentale ne connaissent d’hérésie vitale sur le SAINT-ESPRIT, laquelle aurait été inévitable s’il y avait eu hérésie dogmatique».
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PAUL EVDOKIMOV a tenu des propos semblables [10].
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Que le Filioque exprime une subordination de L’esprit au FILS, son conditionnement par le VERBE, on peut aussi bien le nier que l’admettre et s’en réjouir. Mais on pourrait également se demander si son refus n’entraîne pas, de son côté, des conséquences que, selon la communauté et la tradition à laquelle on appartient, on appréciera positivement ou critiquement [11]. C’est donc finalement une querelle douteuse que celle des conséquences ecclésiologiques du Filioque.
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NOTES
[1]Rev. théol. de Louvain 6 (1975) 13-14. — Sigles : E = Essai sur la théologie mystique de l’Église d’Orient. Paris, 1944 (on aurait pu ajouter p. 171-172) ; C = O. CLÉMENT, VLADIMIR LOSSKY, un théologien de la personne et du SAINT-ESPRIT, in Messager de l’exarchat du patriarche russe en Europe occidentale 8 (1959) 137-206.
[2]L’Église orthodoxe. Paris, 1961, p. 50 : «Le filioquisme, qui fait partager par le FILS le privilège «fontal» propre à la seule personne du Père, mettant l’ESPRIT, quant à son existence hypostatique même, dans la dépendance du FILS, a sans doute contribué à majorer l’aspect institutionnel et autoritaire de l’Église romaine. Au contraire, dans la théologie trinitaire de l’Orthodoxie, procession et génération se conditionnent mutuellement (...) C’est pourquoi se conditionnent aussi, dans une réciprocité de service, le sacrement et l’inspiration, l’institution et l’événement, l’économie du FILS et celle de l’ESPRIT...»
[3]Contra errores Graecorum II, 32 (éd. Léonine, p. 87) ; comp. II, prol., où les hérésies sont ramenées à des trahisons de la christologie ; SAINT BONAVENTURE, De perfectione evangelica, q. 4 a. 3, n. 12 (Quaracchi V, p. 197).
[4]Par exemple B. DE MARGERIE, La TRINITÉ chrétienne dans l’histoire (Théol. Histor. 31). Paris, 1975, p. 242.
[5]Voir ES I, p. 210 s., 218 s. et Pneumatologie ou «Christomonisme» dans la tradition latine ?, in Ecclesia a Spiritu Sancto edocta. Mélanges théol. G. Philips (Bibl. Ephem. Theol. Lovan. XXVII). Gembloux, 1970, p. 41-63.
[6]K. BARTH, Dogmatique. 1er vol., tome deuxième **. Genève, 1954, p. 43-44 (= Die kirchliche Dogmatik 1/2, p. 272-273). Voir d’autres témoignages protestants dans notre ét. citée n. préc., p. 63, n. 90. Ajouter O. HENNING NEBE, Deus Spiritus Sanctus. Untersuchungen zur Lehre vom Heiligen Geist. Gütersloh, 1939, p. 60 s., qui voit dans le Filioque la doctrine qui empêche la théologie du SAINT-ESPRIT de tomber dans une sorte d’immanentisme.
[7]On a pu signaler un analogue du joachimisme dans le grand courant hésychaste : L. N. CLUCAS, Eschatological Theory in Byzantine Hesychasm, a Parallel to Joachim da Fiore, in Byzantin. Zeitsch. 70 (1977) 324-344.
[8]Les Réformateurs du XVIe siècle ont gardé le «Filioque», non seulement en conservant le symbole de NICÉE-CP en sa forme occidentale et le symbole dit de SAINT ATHANASE, mais dans les documents symboliques composés alors. Ainsi, pour les Luthériens, les Articles de Schmalkalde, 1537) I, II, la Formule de Concorde (1577-1580), Solida Declaratio VIII, 73. On peut lire G. HOFFMANN, Der Streit um das Filioque in der Sicht lutherischer Theologie, in Luthertum, 1941, p. 56 s.
Quant aux Confessions Réformées, notons d’abord que ZWINGLI a admis le «Filioque» : G.W. LOCHER, Die Theologie H. Zwinglis im Lichte seiner Christologie, t. II, p. 110. La Confession de foi de La Rochelle, rédigée par CALVIN (1559) n’a rien sur notre sujet, non plus que le Catéchisme de l’Église de Genève (1542), n° 91, non plus encore que la Confessio Scotica (1560), art. 12. Par contre la Confessio Belgica (1561), art. IX, et la Confessio Helvetica posterior (1566), art. III, expriment la procession «ab utroque». Nous ne chercherons évidemment pas à faire une liste des théologiens protestants qui se sont exprimés sur la question.
[9]A. DE HALLEUX, Orthodoxie et Catholicisme : du personnalisme en pneumatologie, in Rev théol. de Louvain 6 (1975) 3-30 : p. 15 en note 30.
[10]L’Esprit Saint dans la tradition orthodoxe, 1969, p. 76.
[11]KARL BARTH, dont nous avons relevé l’intention à dominante christologique, propose une défense décidée du «Filioque» : Dogmatique. 1er vol. La doctrine de la Parole de DIEU. Tome Ier **, Genève, 1953, p. 163-176 ; parlant des théologiens et philosophes russes, il écrit : «II se peut qu’on doive expliquer par d’autres causes plus immédiates leur méthode de réflexion qui tend à confondre philosophie et théologie, raison et révélation, tradition et illumination directe, ESPRIT et nature, pistis et gnosis..., mais on ne peut pas s’empêcher d’opérer un rapprochement entre la négation obstinée du Filioque et la forme de cette pensée, dont il n’est que trop facile d’interpréter les manifestations comme une conséquence ou comme un signe de cette négation» (p. 171). Remarques suggestives, qu’on peut mettre en question. D’une part les Russes sont, parmi les Orthodoxes, ceux qui sont les plus ouverts au Filioque ; d’autre part les points signalés dépendent, pensons-nous, d’une théologie de la nature et du surnaturel, elle-même liée à une anthropologie de l’image de DIEU...
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SUPPRIMER LE «FILIOQUE» DANS LE SYMBOLE ?
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SUPPRIMER LE «FILIOQUE» DANS LE SYMBOLE ?
Source : «Je crois en l’Esprit Saint», Paris, Le Cerf, 2002, p. 266-268

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C’est un point sur lequel nous avouons avoir changé, parce que nous avons appris. La question était posée depuis longtemps. Les Latins y répondaient facilement. Trop facilement. Ils n’en réalisaient pas tout le sérieux. SAINT ANSELME, SAINT THOMAS D'AQUIN, SAINT BONAVENTURE disaient :
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«ÉPHÈSE a interdit de rien changer à la foi formulée à NICÉE [1]
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Cela signifiait : une croyance différente ou contraire. Mais un CONCILE précise toujours un point de foi mis en question à son époque : CHALCÉDOINE a justifié ainsi que les Pères du CONCILE DE CONSTANTINOPLE aient ajouté à NICÉE. Si le «a Patre et Filio» est vrai, pourquoi ne pas le déclarer ? C’est quand ce point de doctrine a été nié qu’un certain concile tenu en Occident a ajouté « Filioque» au Symbole, et cela avec l’autorité du Pontife romain, qui convoque et confirme les conciles [2]... Ces réponses n’étaient pas sans valeur, même si le dernier point arguait d’un principe que contestaient les Grecs.
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Dès le début du CONCILE D’UNION À FERRARE, les Grecs s’étaient déclarés prêts à faire l’union à cette seule condition que les Latins suppriment le Filioque du Symbole. L’unité de foi serait en effet ainsi restaurée [3]. Cela nous montre l’importance de la question. Les Orthodoxes n’ont cessé jusqu’à ce jour d’articuler la même demande. Mais elle se propose aujourd’hui dans un tout autre climat qu’en 1438, et avec une portée très différente. A FERRARE-FLORENCE, dans l’Esprit de MARC-EUGENIKOS d’ÉPHÈSE, protagoniste principal des conditions grecques, accepter de supprimer le «Filioque» eût été, pour les Latins, reconnaître une erreur de doctrine [4]. On parle aujourd’hui de cette suppression en reconnaissant la compatibilité et l’équivalence de deux expressions différentes d’une foi commune.
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A Florence, comme déjà dans les traités médiévaux [5], les Latins disaient : le
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«Filioque» n’a pas changé la foi, il l’a seulement mieux explicitée».
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L’interdiction, faite à ÉPHÈSE, d’introduire une autre foi, hetera pistis, signifiait l’interdiction d’une foi contraire, non celle de perfectionner une formule. A quoi les Grecs répondaient :
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«quand un Concile précise un point de doctrine, il formule sa propre définition mais ne l’introduit pas dans le Symbole».
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ÉPHÈSE n’a pas ajouté «Theotokos, mère de DIEU» à «né de la VIERGE MARIE»… Mais Grecs et Latins avaient une idée un peu différente du Symbole.
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En Orient, c’était la forme inaltérable de la profession de foi qu’on imposait aux convertis ou que l’Église proclamait doxologiquement dans la liturgie.
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Les Latins voyaient la chose de manière plus intellectuelle, plus extérieure : c’était une formule de la foi-croyance promulguée par un concile ou par le pape, l’autorité promulguante étant ici décisive.
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Si l’on se reporte à l’interdiction formulée par le concile d’ÉPHÈSE, l’histoire de ce concile montre ceci : il voulait éviter qu’on prenne comme profession officielle de la foi de l’Église l’un ou l’autre des nombreux symboles qui existaient alors, ce qui eût ouvert la porte à des formulations douteuses ou hérétiques [6]. Tant ÉPHÈSE que les conciles ultérieurs jusqu’au deuxième de NICÉE ont entendu par «hetera pistis» une doctrine contraire à celle de NICÉE. Les Latins avaient donc historiquement raison.
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Ecclésiologiquement ou ecclésialement, c’est une autre affaire.
L’introduction unilatérale du Filioque, sans consultation de l’Orient, dans un symbole de valeur œcuménique, était non seulement une démarche canoniquement illégitime, mais un acte faisant bon marché de l’unité de la famille chrétienne. «Un fratricide moral», disait KHOMIAKOV. 
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Le climat carolingien comporte même une nuance de mépris. Bien sûr, on pourrait remarquer que les Orientaux avaient tenu le CONCILE DE 381 sans convoquer un seul évêque latin, ce qui avait suscité la plainte de SAINT AMBROISE sur la «communio soluta et dissociata» [7]
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L’Occident a reconnu sa foi dans le texte de Constantinople, et a «reçu» ce concile comme œcuménique, mais on a bien des exemples du refus d’une décision parce q’on y a pas pris part. Les monophysites arguaient contre CHALCÉDOINE de l’interdiction portée à NICÉE de faire une nouvelle définition de foi [8]… Nous estimons cependant que les Latins, et pas de moindres que SAINT ANSELME ou SAINT THOMAS D'AQUIN, se déchargeaient à trop bon compte du reproche que les Grecs articulaient qu’on ne les avait ni convoqués ni consultés.
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L’œcuménisme consiste en grande partie à réparer les fautes du passé. Pour cela, la connaissance de l’histoire vraie est d’une aide et d’une efficacité incomparable.
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NOTES
[1]C’est son canon VII : Conciliorum Œcumenicorum Decreta, éd. ALBERIGO et al. 3e éd. Bologne, 1973, p. 65. Usage de ce texte dans la polémique : M. JUGIE, Le décret du CONCILE D’ÉPHÈSE sur les formules de foi et la polémique anticatholique en Orient, in Echos d’Orient 30 (1931) 257-270.
[2]ANSELME, De Processione Spiritus Sancti, c. 13 (Opera, éd. SCHMITT, II, p. 211-212) ; S. BONAVENTURE, I Sent. d. 11. a. un., q. 1. (Quaracchi I, p. 211-213) ; SAINT THOMAS D'AQUIN, De Potentia q. 10 a. 4 ; Ia q. 36 a. 2 ad 2 (Sed postea insurgente errore quorumdam, in quodam concilio in Occidentalibus partibus congregato expressum fuit auctoritate Romani Pontificis... On est étonné de ce vague, SAINT THOMAS D'AQUIN étant habituellement si précis ! Cela venait d’un Contra Graecos d’un dominicain de Constantinople, en 1252 : cf. A. DONDAINE, Arch. Fr. Praed. 21 (1951) 390 s.). L’idée que tout concile formulait une Confession de foi était commune : références dans notre article SAINT THOMAS D'AQUIN. and the Infallibility of Papal Magisterium, in The Thomist 38 (1974) 87 n. 15 et 16.
[3]Étude exhaustive de H. J. MARX, Filioque und Verbot eines anderen Glaubens auf dem Florentinum. Zum Pluralismus in dogmatischen Formeln. Steyl, 1977.
[4]Cf. GILL, Le CONCILE DE FLORENCE, Paris, 1964, p. 227-228. Pour le lendemain dramatique du concile, p. 350.
[5]SAINT BONAVENTURE, I Sent., prol. a. 2 : «est additio distrahens, et est additio complens… in qua additum est consonum» (éd. Quaracchi I, p. 23).
[6]Cf. H. J. MARX, op. cit., p. 203 s. L’addition du «Filioque» apparaît comme non-scandaleuse en soi (réserve faite d’une démarche unilatérale) quand on l’envisage dans l’histoire générale des Symboles : cf. la préface de J. GRIBOMONT à G. L. DOSSETTI, Il Simbolo di Nicea e di Constantinopoli. Rome, 1967.
[7]Epist. 13, 6 (PL 16, 953), «Cohaerere communionem nostram cum Orientalibus non videmus» (n°5), «postulamus ut ubi una communio est, commune velit esse iudicium concordantemque consensum» (n°8) : des règles d’or !
[8]Cf. Orient. Christ. Period. 18 (1952) 55.


 
 
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Écrit par jo.louvatican Lien permanent | Commentaires (0)

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